Plus de la moitié du territoire français est occupée par des zones agricoles, et plus du quart par des forêts. Agriculture et sylviculture constituent une activité majeure pour presque toutes les sociétés humaines car elles procurent des ressources alimentaires et de matière première, ainsi que des services écosystémiques indispensables.

C’est pourquoi il est nécessaire d’éviter au maximum les dégâts aux cultures, non seulement car ils provoquent une baisse des revenus pour les cultivateurs, mais également parce qu’ils ont un impact sur l’ensemble de la société. D’ailleurs ne disait-on pas ““Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France.”

Pourquoi ils prolifèrent

Les zones agricoles sont des milieux dits “perturbés” : la biodiversité locale a d’abord été supprimée avant d’y installer les cultures, bien souvent constituées d’une seule espèce (monocultures) sur de grandes superficies. Cet habitat simplifié et libre de tout prédateur est un terrain idéal pour l’établissement d’une nouvelle espèce, ce qui fait de ces zones cultivées des milieux très risqués. Il a été étudié en 1993 qu’aux États-Unis, seulement 40% des insectes ravageurs des cultures étaient des espèces introduites (Pimentel, 1993). (La majorité des ravageurs des cultures sont donc des espèces dites natives, mais qui prolifèrent de manière incontrôlable en raison de la perturbation du milieu.)

Les forêts, à l’inverse, constituent un habitat diversifié, mais possèdent également une grande variété de niches pour d’éventuels organismes envahissants.  Depuis que les Européens ont découvert l’Amérique du Nord, on comptait en 1994 plus de 368 espèces exotiques d’insectes établies durablement dans les forêts, parcs, et milieux naturalisés. Ce nombre a sans doute augmenté depuis lors. (Mattson et al., 1994). Bien que la majorité des insectes forestiers exogènes se sont révélés peu menaçants, certains (citons Lymantria dispar ou Agrilus planipennis) sont devenus de véritables nuisances (Holmes, 2010).

Conséquences des proliférations

Impact_AgricultureImpacts directs

Les insectes ravageurs des cultures peuvent agir directement sur la survie de la plante en mâchant ses feuilles, suçant sa sève ou en creusant son bois. La mort des arbres conduit à une perte du rendement des exploitations forestières, à la diminution de matière première pour la construction ou le chauffage, etc.

Les ravages dans les cultures destinées à l’alimentation diminuent la production de fruits, légumes, céréales. Par exemple, en Amérique du Nord, le doryphore peut faire chuter de 60% les récoltes de tomates, et la chrysomèle peut provoquer jusqu’à 80 % de perte de récolte de maïs. Ces insectes influencent donc directement la quantité de ressources alimentaires mondiales, un problème lorsque les prévisions de l’ONU tablent sur dix milliards d’individus en 2050.

Impacts indirects

Les dégâts directs sont toujours accompagnés d’un manque à gagner financier pour les cultivateurs qui ne pourront pas vendre leur production, soit car elle a été détruite avant la récolte (noctuelle), soit contaminée lors du stockage (scarabée), ou encore car certains fruits sont devenus invendables en raison des visites des insectes qui les détériorent par exemple (cératite).

D’autres dégâts induits par les insectes envahissants sont plus difficilement quantifiables. Notons par exemple la perte de valeur des espaces paysagers. Il a été montré que les plantes dans les espaces urbains permettent d’améliorer la santé des citadins  et de fournir des corridors verts aux espèces, et ces services disparaissent également avec la mort des arbres.

La destruction des arbres transforme d’anciennes forêts en des zones de production de dioxyde de carbone au lieu d’être des zones de production d’oxygène (voir le dendroctone). Ce minuscule scarabée a détruit plus de 13 millions d’hectares de forêt de pins dans les années 2000 au Canada. Cette destruction a provoqué la libération d’environ 270 millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère, ce qui correspond à l’énergie nécessaire pour faire fonctionner une dizaine d’ordinateurs sans arrêt pendant un million d’années.

 

Sources

Immigrant phytophagous insects on woody plants in the United States and Canada, Mattson et al., 1994

A spatial-dynamic value transfer model of economic losses from a biological invasion, Holmes et al., 2010

“Habitat factor in new pest invasion”  Pimentel, 1993, dans “Evolution of Insect Pests”

Banque mondiale

Cartes France

Fiche de l’EPPO sur Leptinotarsa decemlineata