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Devant les épais brouillards de pollution, provoquant maladies cardiaques, cancer du poumon et hausse de la pression sanguine, l’homme se protège comme il peut. Malheureusement, les masques anti-pollution et les alertes des autorités sanitaires laissent la faune étrangère à ces mesures. Pourtant, une équipe du Laboratoire d’Ecologie, Systématique et Evolution (UMR 8079 – Université Paris-Sud / CNRS / AgroParisTech) vient de démontrer qu’au contact de la pollution, les pigeons du nord de la Chine trouvent leur propre tactique et accélèrent en moyenne de 22.7% leur vitesse de croisière. Un comportement adopté, à la grande surprise de l’équipe de recherche, pour éviter l’exposition aux éléments toxiques et le manque de visibilité pouvant faciliter leur prédation, interprètent les chercheurs. L’autre hypothèse avancée par l’équipe est que la pollution pourrait améliorer la navigation olfactive des volatiles.

Un système bien connu

Pour les chercheurs, les mécanismes de navigation des pigeons sont déjà bien connus. En effet, il a déjà été prouvé qu’ils utilisent d’une part la position du soleil et les champs magnétiques comme boussole, d’autre part des indices visuels et olfactifs pour se représenter une carte. Si la pollution a un effet sur ce système de guidage olfactif, d’autres études seront nécessaires pour identifier les composants chimiques qui augmentent cette perception et leurs liens avec la pollution.

En utilisant des données publiques provenant de 415 courses de pigeons qui se sont tenues entre 2013 et 2014 dans la Grande plaine de Chine du Nord (une région à l’air considérablement pollué), les scientifiques ont mesuré la vitesse de course des pigeons (qui rentraient vers leurs cages). Ces données récoltées par l’Association chinoise des pigeons de course ont permis de comparer, sur des distances de moins de 470km, la vitesse moyenne en fonction des conditions de vol.

Des données à contre-pied

Alors que l’équipe de recherche prévoyait un ralentissement des pigeons, les résultats montrèrent que plus le niveau de pollution de l’air était élevé, plus ils retournaient vite chez eux. En effet, les chercheurs ont noté quatre variables principales qui modifient la vitesse des volatiles : au même titre que la distance, la direction du vent et les conditions climatiques, la qualité de l’air explique en partie ces variations. D’après l’équipe de recherche, leur modèle de prévision basé sur ces quatre piliers permet d’expliquer 96,4% des résultats. Contrairement à une idée reçue, la température n’a pas une grosse influence sur la vitesse des pigeons.

Des résultats d’autant plus inattendus que la brume de pollution réduit la visibilité et nuit à la santé. Par exemple, l’accumulation de lourds métaux et de particules fines détruit le foie et les poumons, ce qui selon les chercheurs aurait dû réduire la performance de vol. De plus, le système de navigation des oiseaux, qui repose en partie sur des repères visuels et olfactifs, devrait être détérioré par les interférences des particules et le manque de visibilité. Les pigeons conscients du danger accéléreraient pour réduire cet inconfort.

« S’ils s’avère que les animaux ont conscience de la pollution de l’air, de son impact néfaste et changent leur comportement pour l’éviter, peut-être devrait-on suivre cet enseignement de la nature et changer nous aussi nos comportements » conclu Franck Courchamp, directeur de recherche CNRS à l’Université Paris-Sud.

Référence : Zhongqiu Li1, Franck Courchamp, Daniel T. Blumstein ; Pigeons home faster through polluted air ; Scientific Report : 5, 18989 ; 5 janv 2016