On imagine les chercheurs comme des gens en blouse blanche en train d’observer le contenu de diverses éprouvettes sur une paillasse. Mais que font-ils, quand ils sont occupés à cette activité ?

L’analyse des données et leur interprétation est le travail principal des chercheurs. Mais pour être en mesure d’analyser des données, il faut se les procurer. Ce peut être effectivement après des expériences menées en laboratoire, ou bien à la suite d’observations sur le terrain. Nous allons voir ici en quoi patauger dans un marais chaussé de grosses bottes équivaut à compter des bactéries dans une boîte de Pétri.

Tout d’abord, des données, c’est souvent une liste d’observations. Cela peut être le nombre d’oiseaux observés chaque jour dans votre jardin, le nombre d’insectes présents dans une mare, le taux de croissance d’une plante… L’important étant que les observations successives soient comparables.

Avant de partir à l’aventure, flacons ouverts et pièges sur le dos, il est indispensable de définir un protocole précis, que l’on suivra pour récupérer chaque donnée de terrain.

Répétabilité des observations

En effet, reprenons l’inventaire des oiseaux de votre jardin, et cherchons à déterminer si leur nombre évolue d’année en année. L’an passé, vous avez déposé des miettes de pain puis vous avez attendu deux heures caché derrière la fenêtre où vous avez photographié chaque oiseau. Cette année, vous sortez dans le jardin, observez chaque arbre, notez si vous y voyez un oiseau ou un nid. Vous obtiendrez sans doute des résultats différents entre l’an dernier et cette année. Qu’en conclure ?

Eh bien… rien. Ces deux résultats ne sont pas comparables car la méthode pour les obtenir n’est pas la même. C’est là tout l’intérêt d’un protocole défini avant même de commencer les observations. Il faut pouvoir affirmer que chaque observation ou chaque prélèvement est comparable aux autres. Dans l’absolu, n’importe qui pourrait pouvoir réaliser l’observation de terrain et fournir son résultat au chercheur (c’est le postulat des sciences participatives).

Nous avons donc ici la raison principale de l’établissement d’un protocole : la répétabilité des observations.

C’est pourquoi l’on établit certaines règles (adaptables au sujet de recherche ; ceci n’est qu’indicatif):

> Une même périodicité. Si l’on veut établir le taux de croissance d’une plante, on peut par exemple la mesurer toutes les semaines, et faire une moyenne de son accroissement hebdomadaire. Si l’on effectue une observation tous les jours pendant 3 jours puis tous les mois, on ne pourra pas homogénéiser les valeurs. Prenons l’exemple de la biodiversité des mares : des prélèvements mensuels sont menés chaque année sur deux périodes de trois mois, de mai à juillet et de septembre à novembre.

À l’aide d’un trouble-eau, Christophe décrit des huit afin de créer un courant qui ramènera les arthropodes dans le filet.

> Une même technique : chaque observation se fera exactement de la même manière. Ici, Christophe utilise un trouble-eau (sorte d’épuisette) et décrit à chaque fois huit mouvements en huit dans une eau profonde d’au moins 50 cm (ce qui crée un vortex attirant les animaux dans le filet). Ces valeurs sont arbitraires, l’intérêt de les définir est simplement de s’assurer de faire toujours la même chose afin de ne pas noter un changement qui serait simplement dû à la méthode de prélèvement.

> Une même durée : chaque temps d’observation doit être le même.

> Un même relevé : les données doivent être reportées de la même façon. Si nous avons déterminé toutes les espèces d’insectes dans une mare, il va toujours falloir pousser la précision jusqu’à l’espèce pour les autres relevés.

> Un même biais : Le biais est inévitable. Il faut le connaître, et savoir le minimiser, mais le point le plus important demeure la stabilité de l’étude. « À biais constant, étude stable ».

Il faut également être conscient des limites de la méthode que l’on choisit. Par exemple, celle des prélèvements aquatiques est destructive, car les animaux prélevés sont plongés dans de l’alcool pur, ce qui les tue. Cependant, l’étude préalable de la biologie des insectes récoltés permet de supposer que ces prélèvements assez espacés ont un impact négligeable sur l’écologie de la mare… Mais là encore, il faudrait établir un moyen de mesurer cette supposition !

Une méthode alternative serait d’analyser directement les biomarqueurs (résidus laissés par les arthropodes) contenus dans l’eau sans tuer les animaux.